Paris – Chanel, Dior, Balenciaga : Un changement de génération se dessine dans l’industrie internationale de la mode. Une nouvelle équipe de directeurs créatifs prend la barre. Ils changent non seulement le style sur les podiums, comme on peut le voir lors de la Fashion Week de Paris, mais aussi l’image de l’industrie. L’époque où les créateurs vedettes donnaient le ton est révolue.
Un nouveau départ chez Chanel – le poste créatif le plus important de l’industrie
Les débuts de Matthieu Blazy chez Chanel venaient d’avoir lieu à Paris et étaient très attendus. Le premier look : un tailleur-pantalon à carreaux gris, coupe masculine, avec une veste courte, les manches nonchalamment retroussées, les cheveux lâchés et ébouriffés, des pompons blancs aux oreilles, le sac Chanel déformé lâchement à la main. Une apparition que Gabrielle « Coco » Chanel elle-même aurait difficilement pu mettre en scène avec plus d’assurance – masculine et féminine à la fois, nonchalante et pourtant d’une élégance magistrale.
Blazy, semble-t-il, avait en tête Coco Chanel elle-même – une conversation imaginaire entre le passé et le présent. Les chemises blanches pour hommes se portent sur des jupes évasées à volants, les longs colliers de perles se balancent en abondance, les robes en soie sont nouées sans serrer au niveau des hanches. Même le tweed semble soudain redevenir moderne : tissé en transparence par endroits ou avec des bords effilochés, le tissu se décompose en points noués à la main.
Des débuts triomphants et une collection qui restera comme un tournant dans l’histoire de la mode. Matthieu Blazy, candidat plutôt réservé, avait déjà impressionné chez Bottega Veneta avec une précision discrète et un sens profond du savoir-faire. Il occupe désormais le poste créatif le plus important de l’industrie.
De nouveaux esprits créatifs chez Dior, Balenciaga, Mugler, Loewe
Ce n’est pas le seul changement majeur de personnel cette Fashion Week de Paris. En quelques mois, de nombreux postes parmi les plus importants du monde de la mode ont été pourvus : Jonathan Anderson a pris la direction créative de Christian Dior, Pierpaolo Piccioli a quitté Valentino pour Balenciaga. De nouveaux esprits créatifs se sont également présentés chez Mugler et Loewe.
Cette accumulation de nouvelles nominations intervient à un moment où l’industrie se réoriente. La mort de Giorgio Armani, le dernier grand maître, marque la fin d’une époque où les créateurs étaient encore de véritables figures de proue. Karl Lagerfeld, Yves Saint Laurent et Jean Paul Gaultier ont façonné la mode avec leurs personnalités extravagantes – et sont ainsi devenus eux-mêmes des marques. De telles stars sont non seulement devenues rares de nos jours, mais ne sont plus recherchées par de nombreuses entreprises.
Critique de la domination des designers vedettes individuels
Comme l’analyse « Vogue Business » dans un rapport, la domination de certains créateurs vedettes peut être problématique à long terme – pour les marques comme pour les créateurs eux-mêmes. On attend d’eux qu’ils soient à la fois des visionnaires créatifs, des stratèges marketing et des hommes d’affaires – un profil d’exigence presque impossible à satisfaire.
La pression s’est considérablement accrue ces dernières années : la mode est devenue un secteur à haute fréquence, rythmé par les chiffres trimestriels et les cycles des réseaux sociaux. Aujourd’hui, pratiquement aucun designer ne peut développer une idée en toute tranquillité sans avoir à penser à la prochaine campagne, collaboration ou présentation numérique.
Jonathan Anderson est considéré comme une exception dans ce contexte. Depuis sa nomination au poste de directeur créatif des collections homme et femme de Dior, il crée également pour sa propre marque JW Anderson et continue de travailler avec Uniqlo, soit au total jusqu’à 18 collections par an. Cela signifie qu’il dépasse la charge de travail qui était auparavant gérée par Karl Lagerfeld, qui était parfois responsable de 15 collections en même temps.
La cohérence est l’exception, plus la règle
Bien qu’Anderson ait jusqu’à présent géré ce fardeau apparemment sans effort, la plupart des designers ne peuvent pas maintenir un tel rythme sur le long terme. Leurs mandats sont raccourcis d’autant. Le summum de la mode est devenu une sorte de porte tournante, où la cohérence est l’exception plutôt que la règle.
Pour les marques, le star system pose un autre problème : si l’image d’un créateur devient trop dominante, la maison de couture doit pour ainsi dire tout recommencer après son départ. De nombreuses marques y voient un risque qu’elles souhaitent éviter à l’avenir. Le rôle des directeurs créatifs a changé en conséquence. Aujourd’hui, la marque en est le personnage principal, le créateur n’en est que l’interprète. Cela garantit la stabilité, mais enlève également une partie du glamour d’antan de la mode.
Moins d’autodramatisation, plus de travail d’équipe
En fait, l’ère des grands créateurs semble révolue. La nouvelle génération d’esprits créatifs représente une forme différente de créativité : moins d’auto-dramatisation, plus de travail d’équipe, de savoir-faire et de profondeur conceptuelle. La mode n’est plus façonnée par l’ego éblouissant, mais plutôt par l’idée de continuité – et un système dans lequel la marque est au-dessus de tout.
Matthieu Blazy incarne ce changement de manière exemplaire. Vêtu d’un jean et d’un T-shirt, il a modestement accepté les applaudissements à la fin de son défilé. Une standing ovation pour un créateur qui laisse son travail parler de lui-même.