Pourquoi l’alarme ne s’est-elle déclenchée qu’à la fin de l’effraction ? Quelles erreurs les voleurs d’art ont-ils commis ? Et ont-ils consciemment ciblé uniquement les bijoux pour femmes ? Après le vol éhonté du Louvre à Paris, les interrogations se multiplient.
Comment les auteurs ont-ils agi ? Des témoins oculaires ont confirmé que les cambrioleurs avaient placé le monte-charge utilisé lors du cambriolage sous la galerie Apollon, au premier étage du Louvre, le dimanche matin même. Une fois sur le balcon, ils ont ouvert une fenêtre avec une tronçonneuse. L’expert en art Didier Rykner affirme avoir appris que la fenêtre en question avait été contrôlée il y a un mois en raison d’un défaut d’alarme. Les cambrioleurs éventuellement informés le savaient-ils lorsqu’ils ont ouvert la vitre ?
À l’intérieur, les agresseurs ont rencontré quatre gardiens du musée (non armés). Ils ont évacué la galerie après qu’un visiteur ait filmé un cambrioleur en train de scier une vitre de protection et a donné l’alarme. Selon Rykner, l’alarme du poste de sécurité – il n’y a pas d’alarme sonore dans les halls eux-mêmes – ne s’est déclenchée qu’à 9h37. Une minute plus tard, à 9h38, les voleurs ont quitté les lieux du crime sur deux motos en direction de l’autoroute.
Non seulement la couronne endommagée de l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, a été laissée sur place. – avec 56 émeraudes et des centaines de diamants, mais aussi la scie circulaire, un gilet de chantier jaune et le véhicule avec la plateforme élévatrice, que les agresseurs ont tenté en vain d’incendier avant de partir.

Les cambrioleurs ont-ils ciblé des bijoux particuliers ? Indubitablement. Un film réalisé sur téléphone portable montre avec quelle rapidité, précision et brutalité (selon la directrice du Louvre Laurence des Cars) les voleurs ont agi : ils ont scié des vitrines sélectionnées dans lesquelles, outre la couronne d’Eugénie, se trouvaient deux colliers, deux diadèmes, une paire de boucles d’oreilles et trois broches. Le prince Joachim Murat, successeur de Caroline Bonaparte, sœur de Napoléon, s’est étonné que les auteurs aient ciblé uniquement les bijoux féminins. Même le plus gros diamant de la collection, le Régent de 140 carats, estimé à 70 millions de dollars, est resté intact.
Les experts en joaillerie ne veulent même pas estimer la valeur des biens volés car, selon les mots de la ministre de la Culture Rachida Dati, les joyaux de la couronne française sont littéralement « inestimables ».
L’expert en art Rykner se demande comment exactement les cambrioleurs ont exploité les points faibles. Avaient-ils des informations ou même des informateurs dans le musée ? Rykner ne croit pas que le client soit un riche collectionneur. La « collection des voleurs » ne suggère pas un style de goût particulier ou un motif similaire. À cet égard, l’acte visé reste pour l’heure inexplicable.

Les mesures de sécurité étaient-elles insuffisantes ? Avec 8,7 millions de visiteurs par an et une surface d’exposition de 73 000 mètres carrés, le Louvre est le plus grand musée du monde. Mais ce n’est de loin pas le mieux protégé. Un rapport de la Cour des comptes française s’inquiète du manque de caméras de surveillance. Dans l’aile Denon, où se trouvent la galerie Apollo et la Joconde de Léonard de Vinci, il manque un tiers des caméras de surveillance prévues. Seules 138 caméras ont été installées au cours des cinq dernières années, soit une fraction du nombre requis. Le rapport devait être publié en novembre, mais la radio France-Info en a déjà dévoilé le contenu.
Pourquoi le vol d’œuvres d’art frappe-t-il si durement la France ? Un tollé douloureux a traversé la France dimanche : comment se fait-il qu’une poignée de cambrioleurs aient pu si facilement s’introduire dans l’un des départements les plus précieux pendant les heures d’ouverture du musée ? C’était « une honte pour la nation », a déclaré le populiste de droite Jordan Bardella, qui a déclaré que la France avait été « humiliée ». Le républicain Laurent Wauquiz a tweeté : « La France a été volée. »
Si de telles déclarations suscitent une vive réaction, c’est aussi parce que la France ne va pas bien actuellement : le trésor public est vide, et de ce fait, Paris est paralysée depuis des mois par une crise gouvernementale chronique. C’est l’une des raisons pour lesquelles le vol d’œuvres d’art frappe durement la France.
Le tumulte national est si grand qu’un roulement de tête semble inévitable. Le directeur de la voiture du Louvre doit-il partir ? Même si elle avait mis en garde contre les conditions intolérables au Louvre, elle n’avait pas fait grand-chose. Le ministre de la Culture Dati aussi. Mais les policiers municipaux sont également en danger. Comme l’a expliqué lundi le porte-parole du syndicat de police CFTC-Police, Axel Ronde, le vol d’œuvres d’art montre aussi à quel point le Louvre serait mal armé face à une escouade terroriste bien organisée.