Devant la Boulangerie du Palais, à l’angle de la rue Saint-Jean et de la rue du Palais de Justice, une file d’attente se forme, un concept étranger dans la France contemporaine où faire la queue est comparable à un match de rugby en termes de finesse. Je ne suis pas à l’aise avec la vue de tant de patience et d’ordre, et le fil de mes pensées rebondit un instant sur le fait que le mot « file d’attente » est aussi une référence au mot argot pour un élément intime et de taille variable de l’anatomie d’un homme.
C’est tout à fait déconcertant.
Divisé en trois quartiers – Saint-Paul au nord, Saint-Jean au centre et Saint-Georges au sud – le Vieux Lyon était autrefois le siège du gouvernement et du commerce, un lieu où les riches, commerçants, banquiers et membres de la petite royauté, se côtoyaient (ou se faisaient la malle) en allant et venant entre leurs élégantes maisons de ville du XVe au XVIIe siècle.
Plus de 300 de ces demeures sont encore visibles – dont une qui abrite aujourd’hui un restaurant indien ! – disséminées dans cette enclave de passages très étroits, appelés traboules, où quiconque n’est pas familier avec la pilule grasse aura du mal à manœuvrer. Il en va de même pour les voitures, en particulier celles plus grandes qu’une Twingo, qui tentent de négocier les virages serrés rendus d’autant plus périlleux par les adeptes de ce sport de contact français populaire et répandu appelé « garer la voiture ».
Les traboules, malgré leurs dangers, sont un lieu de fascination à ne pas manquer, incontournable dans le jargon local. Construites perpendiculairement à la Saône, elles ont été la solution au manque d’espace suffisant pour développer un réseau de rues conventionnel, en reliant les différents bâtiments entre eux.
Aucune visite à Lyon ne serait complète sans un voyage dans le Vieux Lyon, en venant, de préférence, du nord-est, en passant par le Marché des Bouquinistes le long du quai de la Pêcherie, par le pont La Feuille puis soit en avant jusqu’à la place Saint-Paul, soit en descendant le long de la vraie rive droite de la rivière. Ici, les artisans proposent des bijoux raffinés, des peintures, des sculptures, des tissus, des tricots et d’innombrables possibilités d’améliorer votre français courant en écoutant aux portes ou en plaisantant entre commerçants.
De nombreux cafés de coin de rue font un commerce florissant de café et de croissants, offrant un refuge à ceux qui viennent lire les quotidiens gratuits tout en mangeant discrètement leur propre nourriture lorsque « Madame » ne regarde pas. À chaque tournant, les ruelles se transforment en petites places et les vieux bâtiments s’appuient les uns sur les autres comme de vieux amis, ce qu’ils sont bien sûr. D’un coin éloigné, le son d’un accordéon qui fait entendre « La fille d’Ipanima » de ses soufflets se répand autour des bâtiments, donnant une voix à la douce brise qui monte de la rivière. Et l’odeur soudaine des gaufres interrompt la rêverie réconfortante de ce lieu, un lieu qui proclame avec tant d’emphase que « c’est la France ».
En zigzaguant vers la rue St-Jean pendant une heure, j’ai trouvé la file d’attente du boulanger toujours bien visible. C’était très dérangeant, pas du tout français. Soit le boulanger était en train de ralentir et c’étaient les mêmes personnes qui attendaient toujours, soit il y avait une rotation rapide des beignet soufflé sucré et du sucré de pâte à choux frite (beignets), connus très familièrement sous le nom de pet de nonne, ou pet de nonne… mais ne les demandez pas sous ce nom.
C’était peut-être l’odeur de la boulangerie ou le tintement de l’horloge de l’estomac, mais j’étais pris d’une soudaine envie de déjeuner. Heureusement, parmi de nombreux établissements bien aménagés et d’apparence onéreuse, j’ai trouvé « Un, Deux, Trois » sur la place Neuve Saint-Jean, un Bouchon Lyonnais de 20 couverts, un charmant petit endroit proposant, comme son nom l’indique, trois menus fixes.
Il y avait cette atmosphère quintessentielle qui vous amène à Hidden France, embrassant la simplicité, l’authenticité et la bonne cuisine ; cela n’est indiqué nulle part, mais cela devrait l’être, et d’après le déluge de baisers aériens qui coulaient à chaque fois que la porte s’ouvrait, il était clair que c’était un endroit populaire auprès des locaux. À tel point que – et je ne pense pas avoir vu cela nulle part ailleurs – une file d’attente a commencé à se former devant la porte, pendant que les gens attendaient que d’autres libèrent leurs tables. Une autre file d’attente. Incroyable.
Mais, dans le contexte musical des années 1950 et 1960, avec le groupe « Un, Deux, Trois » – Chuck Berry, Little Richard, les Everly Brothers et Chubby Checker qui se retrouvait dans une situation délicate – j’avais un destin, avec Iles Flottantes, la version sans calories, bien sûr.
De retour à la boulangerie, la queue était toujours là. L’ordre était rétabli, heureusement, lorsque j’arrivai au funiculaire pour Fourvièvre, et la « queue » pour ces petits trains redevint normale : des mamies ninjas avec des baguettes, les bras et les coudes écartés, le visage sévère et les orteils piétinés… c’est plutôt ça !
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Le Dr Terry Marsh a beaucoup écrit pour des magazines et produit des guides pour les randonneurs des Pyrénées françaises et des Alpes françaises.