L’Assemblée nationale française pourrait évoluer considérablement vers la droite. Le camp de Le Pen se dirige vers une majorité. Cette évolution devrait être suivie avec inquiétude à Berlin et à Bruxelles.
Le Rassemblement national de droite pourrait devenir à l’avenir la force la plus puissante de l’Assemblée nationale française. Selon les premières projections, lui et ses alliés ont obtenu une avance de 34 à 34,2 pour cent au premier tour des élections législatives anticipées en France.
Le camp intermédiaire du président Emmanuel Macron arrive en troisième position avec 20,3 à 21,5 pour cent, derrière l’alliance de gauche Nouveau Front Populaire avec 28,1 à 29,1 pour cent. Le nombre de sièges que les blocs obtiendront à l’Assemblée nationale ne sera décidé que lors du second tour des élections le 7 juillet.
Le résultat est une défaite amère pour le président français Emmanuel Macron. Il avait espéré profiter des élections anticipées pour accroître la majorité relative de ses forces centristes à la chambre basse. Cela semble désormais extrêmement improbable.
Les populistes de droite de Marine Le Pen pourraient devenir la force la plus puissante
Les premières prévisions supposent que les populistes de droite de Marine Le Pen et leurs alliés pourraient devenir la force la plus importante à la Chambre basse avec 230 à 280 sièges. Ils pourraient toutefois perdre la majorité absolue de 289 sièges.
La gauche pourrait également progresser et obtenir 125 à 200 sièges. Les libéraux de Macron risquent de tomber entre 60 et 100 sièges. Toutefois, il est jusqu’à présent difficile de donner des précisions sur la répartition des sièges. Avant le second tour des élections, les partis peuvent forger des alliances locales qui influenceront le résultat de l’élection.
Si, comme le suggèrent les prévisions, aucun des camps n’obtient la majorité absolue, la France se retrouverait confrontée à d’âpres négociations pour former une coalition. Il n’est actuellement pas envisageable que des acteurs politiques fondamentalement différents se réunissent. Pire encore, la culture politique française est celle de la confrontation plutôt que de la coopération.
Les forces de l’opposition pourraient renverser le gouvernement du camp Macron
Ensemble, les forces de l’opposition pourraient éventuellement renverser le gouvernement actuel du camp Macron. Sans un accord de coopération, aucun autre gouvernement n’est susceptible de trouver une majorité au Parlement. Dans un tel cas, il est possible que le gouvernement actuel reste en place comme une sorte de gouvernement de transition ou qu’un gouvernement expert soit mis en place.
Dans un tel scénario, la France se retrouverait dans une impasse politique. Un gouvernement sans majorité ne pourrait pas lancer de nouveaux projets. Une nouvelle dissolution du Parlement par Macron et de nouvelles élections ne seront pas possibles avant juillet 2025.
Pour l’Allemagne et l’Europe, cela signifierait que Paris, en tant qu’acteur important en Europe et membre du tandem franco-allemand, ne serait soudainement plus disponible activement. Au lieu de nouvelles initiatives, l’administration serait à l’ordre du jour en France. Le mandat du président Macron n’est pas affecté par l’élection, mais sans un gouvernement capable d’agir, il ne pourrait pas mettre en œuvre ses projets.
Si le RN fait encore mieux que prévu et obtient la majorité absolue, Macron serait effectivement contraint de nommer un Premier ministre issu des rangs des nationalistes de droite. Parce que la chambre basse peut renverser le gouvernement. Dans un tel scénario, Macron perdrait considérablement le pouvoir et le Premier ministre gagnerait en importance. L’Allemagne et l’Europe devraient se préparer au fait que le pays divisé ne suit plus une ligne claire et devient moins fiable.
Le RN accorde peu d’importance à la coopération avec l’Allemagne
Contrairement à Macron, le RN met peu l’accent sur la coopération étroite qui existe depuis des décennies avec l’Allemagne. Les nationalistes eurosceptiques s’efforcent également de limiter considérablement l’influence de l’Union européenne en France. Ils pourraient tenter de ralentir un certain nombre de projets à Bruxelles dans leur propre intérêt. Ils sont également opposés à l’expansion de l’UE et sont sceptiques quant à l’OTAN.
En tant que président, Macron a la priorité en politique étrangère. Si le leader du RN Jordan Bardella ou un autre populiste de droite devient Premier ministre, il ne pourra guère poursuivre sa ligne sans entrave.
Le RN a bénéficié de la dynamique des élections européennes, au cours desquelles le parti est devenu clairement la force la plus forte en France. Depuis des années, Le Pen tente également de « dé-diaboliser » le RN et de le découpler de son histoire d’extrême droite et de son fondateur Jean-Marie Le Pen et de sa banalisation de l’Holocauste.
Grâce à son parcours adoucissant, elle a rendu le parti éligible jusque dans la classe moyenne. Avec Jordan Bardella, c’est désormais un nouveau politicien à la barre qui apparaît plus pondéré que le marionnettiste Le Pen et qui n’a aucun lien avec son clan familial. Le parti a peut-être également profité de l’incertitude entourant les multiples crises mondiales ainsi que de la frustration et de la déception à l’égard de Macron.
L’unité du camp de gauche a causé la perte de Macron
L’unité surprenante du camp de gauche lors de cette élection pourrait avoir été fatale au président Macron et à ses partisans. Il a appelé à plusieurs reprises à la coopération contre les extrêmes. Pourtant, ni les Républicains conservateurs, ni les Socialistes, ni les Verts ne se sont ralliés à lui pour le scrutin. La dissolution de l’Assemblée nationale a été considérée par beaucoup en France comme irresponsable. Les Français en ont également blâmé Macron.
Le camp de gauche a marqué des points grâce à l’alliance nouvellement formée, qui a été soutenue par un certain nombre de personnes du spectre de gauche malgré des désaccords internes. Le fait que la question du leadership, à savoir qui devrait devenir Premier ministre en cas de victoire des élections, soit restée ouverte, a peut-être également attiré l’adhésion des électeurs critiques à l’égard d’une alliance avec la vieille gauche populiste Jean-Luc Mélenchon.
Selon les instituts, le taux de participation électorale était de 65,8 à 67 pour cent. Selon l’Élysée, Macron a expliqué que la forte participation montrait la volonté de clarifier la situation politique. Regardant le résultat du RN, il a estimé qu’il était temps de former une coalition large, clairement démocratique et républicaine, pour le second tour.