Si vous avez déjà visité Nice dans le sud de la France, vous vous demandez probablement pourquoi il y a trois églises russes dans la ville. Margo Lestz examine les liens russes de Nice avec le passé…
Nice abrite une importante communauté russe depuis le milieu du XIXe siècle, époque à laquelle les nobles russes passaient leurs hivers ici, mêlés au reste de la haute société européenne. Les tsars avaient tendance à rester chez eux et à diriger le pays, mais les tsarines plus délicates passaient leurs hivers sous le soleil de la Riviera. À Nice, une église, une chapelle et une cathédrale nous rappellent trois générations de tsarines qui ont fait de cette ville leur résidence d’hiver.
La Tsarine n°1 et la première église russe
En 1856, Alexandra Feodorovna, veuve de Nicolas Ier, fut la première tsarine russe à passer l’hiver sur la Côte d’Azur. Elle y venait pour des raisons de santé, mais pas seulement. Son fils, le tsar Alexandre II, l’envoya pour renforcer les relations de la Russie avec le roi de Sardaigne (à cette époque, cette région faisait partie du royaume de Piémont-Sardaigne). Elle était accompagnée de son autre fils, qui commandait la marine russe.
Tandis qu’Alexandra séduisait le roi, son fils négocia un accord pour que les navires russes puissent accoster dans le port de Villefranche. La Russie avait perdu ses droits sur la mer Noire lors de la guerre de Crimée et avait besoin d’une base navale. Pour la Sardaigne, la flotte russe constituait une protection contre les invasions autrichiennes. Un accord fut donc conclu et une présence navale russe fut établie à Villefranche jusqu’en 1870.
Après ses rencontres fructueuses avec le roi de Gênes, Alexandra prend un bateau pour Villefranche où elle est accueillie en fanfare par les habitants. Puis elle se dirige vers Nice pour ses vacances d’hiver. Une fois installée, on lui présente un autre projet : la communauté orthodoxe russe souhaite une église, mais la religion d’État du Piémont-Sardaigne est le catholicisme romain et seules les églises catholiques romaines peuvent être construites. Malgré cela, deux ans plus tôt, les Anglais avaient obtenu une autorisation spéciale pour construire une église anglicane, aussi lorsque les Russes formulent leur demande, les autorités locales, effrayées par la réaction de la communauté, traînent les pieds. Finalement, les deux gouvernements (Saint-Pétersbourg et Turin) s’impliquent et l’autorisation est accordée par décret royal.
Les autorités locales ont accepté mais ont imposé certaines contraintes : l’église devait être discrète, s’intégrer aux bâtiments environnants et aucune cloche ne devait y être installée. C’est pourquoi le rez-de-chaussée de cet édifice ne ressemble pas à une église. Il abrite une bibliothèque et le sanctuaire est discrètement dissimulé à l’étage. L’architecte a cependant glissé une petite surprise : une coupole qui n’était pas prévue sur les plans. On ne l’aperçoit que de loin, mais elle a choqué de nombreux habitants.
Le L’église Saint-Nicolas-et-Sainte-Alexandra a été construite entre 1858 et 1859 en l’honneur de l’empereur Nicolas Ier et de son épouse. Elle est située au 6 rue Longchamp.
Tsarine n°2 et la chapelle Tzarewitch (Tsarévitch)
La deuxième tsarine, Maria Alexandrovna, épouse d’Alexandre II, perpétua la tradition de passer les hivers sur la Côte d’Azur, mais son héritage à Nice est triste. En hiver 1865, son fils, Nicolas Alexandrovitch, vint lui rendre visite. La jeune femme de 21 ans TsarévitchLe « fils du tsar » était le prochain sur la liste des prétendants au trône mais, malheureusement, pendant qu’il était là, une vieille blessure s’aggrava et il tomba gravement malade. Alors qu’il gisait mourant à la Villa Bermond, les Niçois se tenaient dehors en silence, pleurant avec la famille impériale.
Ses parents achetèrent le terrain et la villa dans lesquels le tsarévitch mourut. Ils démolirent la villa et construisirent une chapelle à l’endroit exact où se trouvait son lit de mort. Il s’agit d’une chapelle commémorative, car le corps fut renvoyé en Russie pour y être enterré. Cette chapelle est située derrière la cathédrale orthodoxe russe, sur l’avenue Nicolas II, juste à côté du boulevard du Tsarévitch.
Tsarine n°3 et la cathédrale russe
Maria Feodorovna était à l’origine fiancée à Nicolas Alexandrovitch (le jeune tsarévitch décédé), mais après sa mort, elle épousa son frère, qui devint Alexandre III. En 1896, la veuve de 49 ans apprend qu’il est prévu de construire une nouvelle église orthodoxe russe à Nice, celle de Longchamp étant devenue trop petite pour la communauté grandissante. Elle prend le projet à cœur et son fils, le tsar Nicolas II, finance la majeure partie de l’église sur ses fonds personnels.
Cette fois, rien n’empêchait les Russes de construire une église. Nice était devenue une partie de la France et avait adopté la liberté religieuse, ce qui permit à la communauté russe d’avoir sa cathédrale de style russe, avec ses cloches et tout le reste. Ils voulaient représenter la Russie dans toute sa gloire avec un design traditionnel exubérant.
Au début, on avait prévu de raser l’église de Longchamp et de la remplacer par la nouvelle. Mais le terrain était trop petit. On choisit alors un emplacement à l’angle des rues Verdi et Berlioz. Malheureusement, le sol de cet endroit ne convenait pas à une construction aussi grande. Marie demanda alors à son fils, le tsar Nicolas II, de lui faire don d’une partie du terrain à côté de la chapelle du tsarévitch, qui s’avéra être l’endroit idéal.
L’architecte avait conçu un bel édifice pour l’ancien emplacement, doté de deux grandes entrées identiques pour profiter de l’accès depuis les deux rues. Même si le nouvel emplacement ne se trouvait pas à un coin de rue, ils ont aimé le design et ont décidé de le conserver. C’est pourquoi vous verrez aujourd’hui deux entrées à la cathédrale, dont une seule est utilisée.
La première pierre fut posée en 1903 et les travaux furent achevés en 1912. Aujourd’hui, il trône tel un petit bijou, dans un parc verdoyant de l’avenue Nicolas II, à deux pas du boulevard du Tzarewitch.
Ces trois monuments, liés à l’histoire de ces tsarines, sont encore utilisés et appréciés par la communauté orthodoxe russe de Nice. La cathédrale est également ouverte au public. Bien entendu, elle reste un lieu de culte, il faut donc s’habiller de façon appropriée et avoir un comportement irréprochable.
Margo Lestz vit à Nice, en France, où elle aime se prélasser au soleil, étudier la langue française et bloguer sous le nom de thecuriousrambler. Margo dit : « La vie n’est jamais ennuyeuse et j’apprends quelque chose de nouveau chaque jour… et il y a toujours des surprises ».