Vous vous demandez peut-être où se déroule Les Misérables ? Eh bien, c’est une longue histoire…
À la fin de l’été 1837, l’écrivain Victor Hugo, auteur des Misérables, fit un voyage en Belgique avec sa maîtresse Juliette Drouet. Sur le chemin du retour à Paris, il traversa le nord de la France et, dans l’après-midi du 16ème En septembre, il arrive à Montreuil-sur-Mer. Il n’y reste pas longtemps, quelques heures seulement pour manger un morceau et faire un tour. Il dîne à l’Hôtel de France, dans la chambre 12b donnant sur la cour. Il déambule sur les remparts et dans les rues proches de l’hôtel. Il avoue être un peu déçu : il n’y a pas de « mer » comme le nom l’indique. Il s’attendait à voir la mer, peut-être un petit port et des bateaux, mais la mer a disparu depuis longtemps à cause d’une accumulation de limon.
Quelques heures dans une jolie ville au cours d’un long voyage – cela aurait pu être juste une escale, un après-midi assez agréable. Mais ce n’était pas juste un repos de plus, à oublier dès que l’écrivain repartait. Ses souvenirs de cet après-midi, les gens qu’il rencontrait, les paysages qu’il voyait, le lieu lui-même – tout cela deviendrait important des décennies plus tard. Le lendemain, Hugo écrit à sa femme Adèle à Paris, peignant un tableau de la ville où il s’était arrêté pour déjeuner la veille. Il écrit des rues, de l’hôpital et de la mairie, de la vue d’une charrette en fuite sur une colline… « J’ai quitté Étaples tôt le matin. Je voulais déjeuner à Montreuil-sur-Mer. Montreuil-sur-Mer s’appellerait mieux Montreuil-sur-Plaine. C’était autrefois une ville charmante. C’est maintenant une citadelle. Mais les murs – il y a une vue magnifique sur les collines et les champs parce que la ville est située au-dessus. Et il y a encore en place une ou deux vieilles églises qui ont un certain charme. […]
Je me promenais sur les remparts. J’étais seule avec de vieux fusils couchés à terre et un vieux prêtre assis à côté. Un vénérable prêtre ! Il avait les yeux fixés sur son livre et je regardais la campagne. Il lisait son bréviaire et je lisais le mien. Le fait est que, voyez-vous, ma chère Adèle, le mien est un beau et glorieux livre de la nature. Il contient les psaumes et les hymnes les plus sublimes. J’espère que mes enfants comprendront un jour et jouiront religieusement de ces merveilles qui se rencontrent hors de l’émerveillement intérieur que Dieu a placé en nous, l’âme. Je ne me lasse jamais de ce grand et ineffable alphabet. Il me semble chaque jour découvrir une nouvelle lettre. Une chose m’a frappée hier matin, en rêvant aux vieux boulevards de Montreuil-sur-Mer. […] En bas du rempart, je rencontrai un petit garçon qui mordait dans une grosse pomme. Qui t’a donné cette pomme ? lui demandai-je. Il me répondit : – Je ne sais pas, elle est tombée de l’arbre, c’est le vent qui me l’a donnée. Je lui donnai dix sous et je lui dis : « Mon enfant, quand il n’y a pas d’homme c’est Dieu… » Vingt-cinq ans plus tard, les souvenirs de Montreuil-sur-Mer de Hugo ressuscitèrent avec vivacité dans Les Misérables qui parut en 1862.
L’Hôtel de France où Hugo dîna à Montreuil-sur-Mer inspira l’Auberge des Misérables, tout comme l’aubergiste, sa femme et Cosette, la serveuse. L’Hôtel de France est toujours un hôtel et semble avoir remarquablement changé, bien qu’il soit aujourd’hui dirigé par un couple d’expatriés du Royaume-Uni et d’Afrique du Sud.
Dans Les Misérables, il y a une scène clé où une charrette dévalant la colline sur les pavés écrase un piéton. Hugo a été témoin d’un événement similaire sur la route pavée principale, la Cavée Saint Firmin, qui mène à la cour de l’Auberge de Poste de l’Hôtel de France. Cette colline pavée escarpée est aujourd’hui bordée de vieilles maisons adossées les unes aux autres pour se réconforter et se soutenir sur la pente raide, mais il est facile d’imaginer à quel point le spectacle qu’a vu Hugo a été mémorable. Hugo a vu une jeune fille pleurer en sortant de l’église Saint-Saulve de la ville, plus tard ce moment lui a inspiré le personnage de Fantine. Le prêtre que Hugo a rencontré sur les remparts rappelle Monseigneur Myriel dans Les Misérables ; l’enfant qui mord dans la pomme est dans l’histoire ; les noms des personnes dans le livre sont souvent ceux des personnes de la ville.
C’est une charmante ville qui, par endroits, ressemble beaucoup à ce qu’elle était à l’époque de la visite de Hugo, c’est presque une ville révolue avec des bâtiments anciens et des ruelles étroites. Les rues pavées et les maisons sont toutes éparpillées, s’élevant les unes les autres avec des dates gravées au-dessus des portes – 1637, 1822, 1725. La place principale est flanquée d’une série de ruelles médiévales sinueuses menant aux remparts et aux places où se déroulent des événements, comme la foire annuelle des antiquaires du 14 juillet.
Les remparts qui entourent la Haute Ville, avec leurs vues imprenables sur la campagne, attirent les promeneurs toute l’année. Au pied de la colline se trouve la ville basse, lieu où auraient vécu les malheureux de l’histoire d’Hugo. Tout comme Victor Hugo n’a jamais oublié la ville de Montreuil-sur-Mer, les habitants de la ville n’ont jamais oublié l’homme qui a rendu leur ville célèbre. Chaque été, la ville organise le festival Les Misérables Son et Lumière, une production en plein air mettant en vedette une immense troupe de fiers habitants, sur les remparts où Hugo a erré.
Montreuil-sur-Mer est une belle ville, pleine de souvenirs du passé, et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi elle est restée dans l’esprit d’Hugo. Visitez-la par vous-même et vous découvrirez peut-être qu’un destin similaire vous attend.
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