L’incroyable histoire du plus grand et du plus luxueux hôtel du monde, construit en France dans les années 1920 – un lieu si grandiose que les appartements qui l’abritaient étaient dotés de piscines privées – restera dans les annales bien après sa disparition…
J’ai récemment séjourné au charmant hôtel Westminster de style art déco au Touquet Paris-Plage – un endroit très chic en effet. Il est considéré comme l’un des plus grands hôtels de luxe du nord de la France, j’ai donc été intrigué lorsque quelqu’un m’a dit qu’il y avait autrefois un hôtel au Touquet qui, à l’époque, était encore plus grand et meilleur. En fait, c’était à l’époque l’hôtel le plus luxueux du monde.
Hôtel Royal Picardie, Le Touquet
L’Hôtel Royal Picardy a été construit en 1928-1929 dans la petite ville du Touquet Paris-Plage qui était LE lieu où aller pour les riches, les célèbres, les infâmes et tous ceux qui voulaient faire la fête et pouvaient se le permettre avec style.
Le Touquet est devenu un pôle d’attraction pour les riches du monde entier. De somptueuses villas y ont été construites, de fabuleuses installations sportives, un hippodrome, un terrain de golf, des sports de plage, cette petite station balnéaire chic était à la pointe de la mode pour l’époque. C’était un prototype des stations balnéaires du futur – c’est là que les architectes et les designers ont essayé de nouvelles idées d’hôtels et d’installations.
Noel Coward et Cecil Beaton aimaient s’amuser au Touquet ; HG Wells s’y enfuit avec sa maîtresse. La princesse Elizabeth de l’époque apprit à faire du char à voile sur la plage du Touquet dans les années 1930, un sport initié par un habitant du coin, Louis Blériot, premier homme à avoir traversé la Manche en avion.
Les célèbres sœurs Dolly, artistes de vaudeville qui ont conquis le cœur des hommes du monde entier, se promenaient sur le devant de la scène avec leurs tortues de compagnie serties d’une paire de diamants bleus de quatre carats de Cartier, offerte par le millionnaire Harry Selfridge, du célèbre Selfridges londonien.
Familles royales, maharajas, hommes politiques, stars d’Hollywood et millionnaires : à cette époque, si vous étiez célèbre ou riche, vous séjourniez au Touquet, qui était à son apogée dans les années 1920 et 1930.
Et si vous étiez scandaleusement riche, vous logiez à l’hôtel Royal Picardy.
L’hôtel le plus luxueux du monde
L’hôtel Royal Picardy comptait 500 chambres. Chaque chambre était dotée d’une salle de bain privée, à une époque où ce n’était pas courant. Chaque chambre était équipée d’un téléphone, le summum du luxe à l’époque.
Il y avait 120 salons pour les invités.
Une piscine chauffée et une salle de sport ultramoderne étaient à la disposition de ceux qui souhaitaient faire un peu d’exercice.
L’hôtel comptait 9 étages et, en plus des bars, des restaurants, des 120 salons et des 500 chambres, il comptait également 50 appartements.
Très joli, mais pas, pourrait-on penser, si luxueux que ça.
Mais que diriez-vous si je vous disais que ces 50 appartements étaient si grands que chacun d’entre eux avait sa propre piscine ?! Les appartements avaient également leur propre cuisine avec des chambres pour le majordome, dont on ne pouvait bien sûr pas se passer. En fait, les appartements comptaient jusqu’à 10 chambres chacun, ce qui donnait à l’hôtel plus de 1000 chambres, ce qui était assez inouï à l’époque et en faisait l’hôtel le plus grand, le plus hédoniste et le plus luxueux du monde.
L’hôtel de choix des riches et célèbres
Lorsque le Royal Picardy ouvrit ses portes en grande pompe en 1930, les riches se précipitèrent pour réserver des chambres. C’était le parfum absolu des classes privilégiées du monde entier.
PG Wodehouse, célèbre pour Jeeves et Wooster, y a loué une chambre et a écrit un recueil de nouvelles avec Guy Plum, dont l’une a servi de base au film hollywoodien « Anything Goes ». Cole Porter a séjourné au Royal Picardy et a composé la musique de « Anything Goes » au piano du casino de l’autre côté de la rue. Ce casino devait plus tard inspirer le thriller James Bond Casino Royale d’Ian Fleming.
Le Royal Picardy est un chef-d’œuvre de conception basé sur les plans de Louis Debrouwer et Pierre Drobrec. Un mélange de 15ème Gothique français et anglais du 19e siècle, avec un peu de style normand et flamand pour faire bonne mesure. Il était majestueux, splendide et grandiose à une échelle démesurée. Les promoteurs l’ont baptisé Le Royal Picardy d’après un célèbre régiment de l’armée de Louis XIV et des fresques murales représentant leurs actions héroïques ont été créées dans l’hôtel.
1200 ouvriers de 87 corps de métier ont travaillé à la construction.
Mais une telle entreprise n’est pas bon marché. Les promoteurs ont dépassé leur budget et lorsque la crise financière de 1929 s’est répandue dans le monde entier, le pire s’est produit. Un an seulement après l’ouverture de l’hôtel en 1930, si prometteur, les propriétaires ont déposé le bilan et le plus grand et le plus luxueux hôtel du monde a fermé ses portes.
La fin d’une ère hôtelière
Le Royal Picardy est mis en vente. Six mois plus tard, aucun intérêt ne se manifeste pour reprendre un hôtel qui, même complet, aura du mal à faire face à ses coûts. Les propriétaires décident que le seul moyen de récupérer une partie de l’argent est de rouvrir.
A la surprise générale, le succès fut au rendez-vous. Les riches et célèbres se bousculèrent pour profiter des excès de cet hôtel légendaire. Le prince de Galles y séjourna, les milliardaires américains adorèrent ses excès, les familles royales d’Orient et d’Asie se sentirent chez elles dans ce cadre opulent. Il semblait que le Royal Picardy allait enfin pouvoir atteindre les sommets de succès qu’il méritait. Et pendant quelques années, cet incroyable hôtel fut le summum du luxe et de la célébrité.
Hélas, les mauvaises nouvelles ne tardèrent pas à arriver. Lorsque la guerre éclata, l’hôtel fut réquisitionné par l’armée allemande. On raconta qu’Hitler y avait tenu une conférence et l’hôtel fut bombardé à plusieurs reprises. Après la fin de la guerre, on découvrit que des bunkers avaient été construits dans le parc privé de 6 hectares et que la magnifique piscine chauffée ultramoderne était minée.
Il ne restait que 86 chambres sur les plus de 1000 chambres d’origine. Les jours de grandeur étaient perdus à jamais et l’hôtel ferma ses portes en 1951. La ville du Touquet acheta les ruines qui furent finalement démolies en 1968. A leur place fut construite une école hôtelière, peut-être une fin appropriée pour l’hôtel qui a donné l’exemple à tous les autres…