L’unique distillerie de gin français près de Calais

L’art de fabriquer un gin à la française, autrefois produit en grandes quantités et apprécié par les mineurs du nord de la France pour se fortifier contre les rigueurs du travail dans les mines de charbon, a presque disparu. Janine Marsh retrouve l’un des derniers grands distillateurs de gin de France près de Calais…

« Le genièvre est une sorte de gin, n’est-ce pas ? » je demande au propriétaire de l’une des trois seules distilleries restantes en France, où autrefois plus de 70 entreprises de ce type produisaient de grandes quantités de cet alcool fort.

« Pas vraiment », dit-il, « c’est comme ça, le genièvre est unique mais certains disent qu’il a un peu le goût du gin au genièvre ».

Je suis ici dans la petite ville de Houlle, non loin de St Omer, car j’ai une passion pour les produits authentiques et originaux de France. J’ai reçu un conseil d’un ami français qui ne jure que par les propriétés digestives de cette boisson insolite.

Monsieur Persyn, propriétaire de Genièvre de Houlle, m’accompagne dans la salle de présentation de l’entreprise pour regarder un film sur l’histoire et les techniques de production utilisées pour fabriquer cette forme rare de gin. De nos jours, on s’intéresse de plus en plus aux produits spécialisés élaborés selon des recettes originales telles que nos ancêtres les connaissaient et les visiteurs du Royaume-Uni, de Belgique et de France sont de plus en plus nombreux.

GénièvreMonsieur Persyn et son frère ont passé toute leur vie professionnelle dans la distillerie et leur père en était le gérant avant eux. En fait, l’entreprise appartient à la même famille depuis sa fondation en 1812, même si la recette du genièvre remonte à bien plus loin.

La survie de ce petit producteur témoigne de la passion que ces hommes d’hier et d’aujourd’hui ont pour leur métier. Installés sur les rives de la Houlle, nichés au pied des collines de l’Artois, ils ont traversé les guerres et les difficultés financières et se sont efforcés de continuer à produire l’alcool fort qui fait la renommée des locaux.

Les alambics en cuivre utilisés pour la distillation dans l’atelier aromatique sont en service depuis plus de 100 ans. Leurs surfaces métalliques polies scintillent sous le soleil qui se fraie un chemin à travers les petites fenêtres. Ici, dans cette pièce, le processus de distillation des céréales biologiques, du seigle, de l’avoine et de l’orge provenant de la ville voisine d’Aire-sur-la-Lys, se déroule trois fois. C’est une technique qui ne peut pas être précipitée et qui limite la quantité pouvant être produite en un an à seulement 30 000 litres.

photos de Genièvre

Une fois distillé, on obtient un liquide fort et unique avec une teneur en alcool de 49% qui donne le vertige. On y ajoute une sorte de sachet de thé géant de 5 kg de baies de genièvre. Un statut AOC quelque peu regrettable (appellation d’origine contrôlée ne peut pas être appliqué car les baies ne sont pas produites en France mais en Crète, une île grecque. « C’est dommage », convient Monsieur Persyn « mais ce sont les meilleures donc il faut les avoir ».

Le genièvre est ensuite stocké dans des fûts de chêne, « secret de la nature », confie respectueusement Monsieur Persyn. Il subit ensuite un processus de maturation qui laisse sur les parois une moisissure sombre appelée « la part des anges », une réaction chimique courante dans la vinification.

L’aromatisation de l’alcool avec des baies est connue depuis au moins le 15ème Siècle en France où les apothicaires de l’époque expérimentaient la production d’alcools. Les habitants disent que le genièvre est bon pour la santé et les buveurs réguliers affirment qu’il facilite la digestion.

Faire un retour

Les mines du Nord n’existent peut-être plus, mais un nouveau type de clientèle vient à la rescousse de cette boisson ancestrale.

À la fin du XXe siècle, les chefs évitaient d’utiliser le genièvre car il n’avait pas vraiment la réputation d’être un breuvage gastronomique ; après tout, c’était une boisson de mineur. Aujourd’hui, cependant, il connaît un certain retour ; ses propriétés énergisantes sont appréciées et les gens trouvent de nouvelles façons de le déguster.

atelier genievre

Monsieur Persyn annonce fièrement qu’il est utilisé pour faire des cocktails, qu’il est excellent avec la truite, qu’il est bon à boire avec des fruits, qu’il fait un excellent sorbet, qu’il est délicieux versé sur de la glace, qu’il se déguste avec du fromage et bien plus encore. Il recommande de le boire très frais, à 49% vous pouvez le conserver au congélateur m’assure-t-il.

Genièvre Msr Persyn

« Nous sommes des artisans », explique Monsieur Persyn. « Les trois distillations prennent beaucoup de temps mais ça vaut le coup », et il m’invite à en goûter une fois la visite terminée. Dans la boutique, un flux constant de clients parcourt les différentes saveurs proposées, pures ou avec des baies, du cédrat et d’autres arômes.

Je porte le verre à mon nez et je le renifle ; il a un parfum propre et frais, très proche du gin. Je sirote et goûte le liquide glacé, aromatisé avec un peu de citron, il est amer comme le gin, mais il est définitivement différent et absolument délicieux… un vrai gagnant pour un digestif après le dîner et un vrai goût d’histoire.

www.genievredehoulle.com

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